Dans le cadre de la révision de sa charte, le Parc naturel régional du Queyras a confié aux étudiants du master Gestion durable des territoires de montagne* la réalisation d’enquêtes menées entre septembre 2019 et janvier 2021 et encadrées par leur enseignante.
Cette note synthétise les principaux résultats issus de questionnaires collectés auprès des résidents du périmètre d’étude (433 résidents permanents et 172 résidents secondaires). L’objectif est de proposer un éclairage sur leurs ressentis et leurs attentes concernant le Parc et son territoire.
Habiter dans le Guillestrois-Queyras (GQ) est motivé en premier lieu par le cadre de vie (fig.1). Sont ensuite mentionnées les raisons professionnelles et le fait d’avoir toujours vécu là, ou bien d’y rejoindre des proches. Enfin, prés de 10% des répondants déclarent avoir choisi de s’installer dans le GQ pour leur retraite.
De façon corollaire, un grand attachement au territoire est exprimé (fig.2). Il se double d’un fort sentiment identitaire. L’identité queyrassienne est la plus exprimée (fig.3). L’identité guillestrine est peu mentionnée, phénomène accentué par une sous-représentation des guillestrins dans l’échantillon. Ces derniers ont en effet été moins enclins à participer à l’enquête malgré de nombreuses sollicitations. Ce faible intérêt pour l’enquête peut être révélateur de leur moindre sentiment d’appartenance au territoire du Parc naturel régional du Queyras (PNRQ) initialement centré sur le Queyras historique chargé d’un fort héritage identitaire (Granet-Abisset et Mallen, 2003).
Les habitants permanents se déplacent au quotidien principalement avec un véhicule motorisé individuel tout en soulignant, qu’idéalement, ils préféreraient privilégier les transports en commun ou le co-voiturage. Ce même décalage entre pratiques et aspirations s’observe pour l’accès aux commerces alimentaires. Les habitants interrogés font principalement leurs courses en supermarchés tout en soulignant, qu’idéalement, ils préfèreraient les faire dans des marchés de plein air ou directement auprès des producteurs.
Les deux tiers des résidents secondaires interrogés ont occupé leur résidence moins de deux mois au cours de l’année précédente, s’inscrivant dans une tendance aux « lits froids ». Néanmoins, trois quarts d’entre eux ont l’habitude de prêter ou de louer leur résidence secondaire, augmentant ainsi leur taux d’occupation annuel. Les résidents secondaires interrogés expriment un fort attachement au territoire, au point d’envisager, pour plus d’un tiers d’entre eux, de venir s’y installer de façon pérenne.
Le PNRQ est très visible pour les habitants permanents interrogés. Plus des deux tiers disent avoir connaissance des actions menées par le parc. Malgré leur présence plus ponctuelle sur le territoire, les résidents secondaires interrogés sont aussi, certes dans de moindres proportions, au fait des actions menées par le parc.
La majorité des répondants porte un jugement général plutôt positif sur le PNRQ (fig.8). Les résidents secondaires ont des niveaux de satisfaction légèrement plus élevés que ceux des résidents permanents. La capacité du PNRQ à assurer une meilleure protection de l’environnement est appréciée par une large majorité des répondants (fig.9). Dans des proportions proches, l’opportunité que le PNRQ représente en termes de développement économique du territoire est aussi soulignée (fig.10). Les avis sur les contraintes que le PNRQ fait peser sur les projets de construction ou de rénovation de bâtiments sont, par contre, plus mitigés (fig.11).
L’offre de loisirs « 4 saisons » ainsi que la diversification des activités hivernales sont les voies de développement souhaitées par une majorité des résidents permanents et secondaires. La rénovation/modernisation des remontées mécaniques est appelée de leurs vœux par un peu plus d’un tiers des répondants. En revanche, l’augmentation du parc de remontées mécaniques ne fait pas l’unanimité, et moins encore, l’idée de le réduire.
Habiter ou rester dans le Guillestrois-Queyras est principalement un choix, tout particulièrement motivé par le cadre de vie. Les néo-montagnards, nombreux sur le territoire, s’inscrivent ainsi dans ce que l’on nomme les « migrations d’agrément » ou « d’aménités » (Richard et al. 2014 ; Martin et al. 2012). La forte adhésion à une identité queyrassine résulte d’une rencontre entre un héritage historique fort et l’attachement à ce lieu de vie choisi par ses nouveaux habitants. L’entité du Guillestrois-Queyras plus récemment concrétisée par l’extension du périmètre du parc et par la fusion des communautés de communes n’est, en revanche, pas encore tout à fait appropriée par les résidents interrogés. La construction d’une identité territoriale partagée sera un des enjeux des années avenirs.
Les habitants attachés au cadre de vie que le Guillestrois-Queyras leur offre n’en soulignent pas moins les contraintes, tout particulièrement en termes de mobilité et d’accès aux biens et services. Ils souhaiteraient, en outre, pouvoir davantage consommer de produits issus de la vente directe. A ce titre, des dynamiques de mise en lien entre producteurs et consommateurs locaux pourrait être développées.
Occupées moins de deux mois par an par leurs propriétaires, les résidences secondaires ouvrent néanmoins une perspective d’occupation pérenne. Ces projets de « migration d’agrément » pourraient contribuer à une redynamisation démographique compensant l’actuelle réduction du nombre d’habitants dans les communes les plus éloignées de Guillestre. Néanmoins, la moitié des résidents secondaires interrogés envisagent cette installation pour leur retraite, soulevant la question du vieillissement de la population et sa difficile prise en charge par des services socio-médicaux qui tendent à se retirer du territoire (Claeys et al. 2019).
Connu et reconnu par les résidents, le Parc naturel régional du Queyras est principalement considéré par ces derniers comme une opportunité, en termes de protection de l’environnement et de développement territorial, malgré la contrainte qui lui est associée, par certains, concernant l’immobilier. Le principe même de l’existence du parc est de ce point de vue soutenu par les résidents, même par les plus critiques.
Enfin, les résidents interrogés demeurent attachés au ski alpin tout en souhaitant voir évoluer les stations du Guillestrois-Queyras en faveur d’activités « 4 saisons », ainsi que d’une diversification de l’offre d’activités hivernales. L’actuel contexte Covid-19 donne à voir les opportunités que peuvent représenter ces deux stratégies de développement touristique. L’engouement pour la montagne estivale, faute de voyages à l’étranger, puis la découverte des activités hivernales autres que le ski alpin, faute de remontées mécaniques, ont révélé à un nombre accru de touristes des façons nouvelles pour eux d’appréhender la montagne. L’enjeu à relever ici serait d’explorer la pertinence d’inscrire dans la durée ces pratiques suscitées par une situation sanitaire, a priori, conjoncturelle. Ces pistes pourraient permettre au Guillestrois-Queyras d’adapter son économie locale aux évolutions climatiques auxquelles les Alpes du Sud seraient tout particulièrement exposées (GREC PACA, 2018), ainsi qu’à l’évolution des aspirations des touristiques en demande de diversification de l’offre récréative (Bourdeau, 2018).
Bourdeau Ph. 2018, L’après-tourisme revisité, Via Tourism Review, [En ligne], 08 :13.
Claeys C., Aslett M., Conilh O., Frayez T., Gilbert P. et Arnaud A., 2019, Le Alte Valli Alpine a rischio di ritorno all’isolamento. Un'analisi basata sulle testimonianze degli attori dell’animazione sociale e culturale del Guillestrois-Queyras, in F. Zamengo (eds), Senso e prospettive del lavoro di comunità, Milano, Franco Angeli.
Granet-Abisset A.M, Mallen M, 2003, Le Queyras : une terre d’histoire, Les patrimoines. Le Dauphiné.
GREC-SUD. 2018. Impacts du changement climatique et transition(s) dans les Alpes du Sud, Les cahiers du GREC-SUD, édités par l’Association pour l’innovation et la recherche au service du climat (AIR), [En ligne].
Martin N, Bourdeau Ph, Daller J.F, Viard J, 2012, Les migrations d’agrément, du tourisme à l’habiter, col. Tourismes et Sociétés, L’Harmattan.
Richard F, Dellier J, et Tommasi G, 2014, Migration, environnement et gentrification rurale en Montagne limousine, Revue de géographie alpine [En ligne],102-3.
* Étudiants du master Gestion durable des territoires de montagne : Tristan Boulanger, Mariane Chabert, Aubin Chatelon, Camille Chassain, Clara Delagneau, Nolwenn Fichou, Erwin Parnin, Romarine Vallée, Étienne Zehar.
Sous la direction de Cécilia Claeys, Maîtresse de conférences en Sociologie. LPED Aix-Marseille Université (AMU). Email : cecilia.claeys@univ-amu.fr